L’ascension de l’ascenseur connecté

Les ascenseurs du siège de Schindler France bénéficient des dernières technologies numériques. Photo SIM/JN

La machinerie de l’ascenseur transporte à présent son lot d’électronique et d’informatique. A la clé : la maintenance prévisionnelle, la fidélisation des clients par le service et l’interaction croissante avec le Smart Building.

Dans l’ascenseur, les technologies numériques sont, logiquement, en pleine ascension. « Les nôtres sont nativement « digitaux » depuis 2018, confirme Philippe Boué, PDG de Schindler France. Ils sont équipés d’un Cube qui les relie au monde extérieur par le réseau 3G/4G. » Ainsi parle-t-on désormais d’ascenseur connecté, ou 4.0, qui véhicule aussi des services à destination de ses usagers – passagers dans le jargon – et des gestionnaires de l’immeuble ou de l’établissement. L’éventail s’étend de la phonie ou visiophonie en cabine à la maintenance dite « prédictive ».

La plupart des fabricants d’ascenseurs, outre Schindler, font valoir une ou plusieurs de ces propositions. Lancée en 2020, la gamme d’ascenseurs Gen 360 est désignée par Otis comme un « écosystème digital de mobilité verticale », rien que ça. L’Internet des objets (IoT), l’intelligence artificielle (IA) et le cloud sont convoqués dans l’offre de services Otis One, incluant la connexion du parc existant. La société TK Elevator (ex-Thyssenkrup Ascenseurs) avance quant à elle le service de maintenance Max, basé sur les mêmes composantes technologiques. Kone, de son côté, fait part de la connectivité « de série » des ascenseurs DX, complétée par Kone 24/7 Connect pour la maintenance « intelligente » et Kone Information pour l’affichage d’informations dans la cabine.

La notion d’ascenseur communicant, en soi, n’est pas neuve. « Dès 1983, nous lancions la télésurveillance, rappelle Olivier Durand-Viel, directeur marketing d’Otis France. Les informations n’étaient relevées qu’une fois par semaine car la connexion était coûteuse. Le temps réel ne s’appliquait qu’aux données de sécurité. L’arrivée de l’IoT a tout changé : on peut transmettre un nombre quasi illimité d’informations à un prix très bas. » Le concept demeure, mais les soubassements technologiques ont muté vers des équipements aujourd’hui assez banalisés, dont le coût n’est plus rebutant. Certains capteurs se négocient autour de quelques euros la pièce, alors que les mêmes fonctions embarquées dans l’électronique des années 80 demandaient une petite fortune. Le réseau téléphonique commuté (RTC) étant progressivement mis hors service par Orange, les communications empruntent quant à elles la voie hertzienne de la 3G/4G, généralement par l’intermédiaire d’une carte SIM multi-opérateurs.

Le boîtier d’Uptime, dédié à la maintenance prévisionnelle, communique avec la plupart des cartes de manœuvre du marché. Le technicien est informé, par l’application mobile associée, du statut de l’ascenseur et des défauts constatés. Photo : Uptime

Anticiper les avaries au lieu de les réparer

Cette possibilité de transmission quasi instantanée de grandes quantités de données ouvre la perspective de la maintenance prévisionnelle, qui constitue le premier étage de la nouvelle gamme de services des ascensoristes. Chez Kone, par exemple, la maintenance prévisionnelle a été la première application à contribuer à la modernisation des services, entreprise en 2018. Entre parenthèses, le terme « prédictif » souvent employé est un anglicisme ambigu car suggérant un art divinatoire, alors qu’il s’agit de prévisions fondées sur des modèles mathématiques.

Dans le cadre d’une maintenance à caractère préventif, des pièces sont remplacées systématiquement quel que soit leur degré d’usure. Une démarche de maintenance prévisionnelle, elle, est étayée par des données continues et issues de capteurs, qui traduisent – dans l’idéal – l’état réel des composantes techniques de l’ascenseur. Dès lors, seul le strict nécessaire est changé ou réparé, au moment adéquat. L’idée cardinale est d’anticiper les pannes en partant de la détection de comportements anormaux, déviant de la marche ordinaire. Ces signaux, parfois très faibles, sont en théorie annonciateurs de dysfonctionnements voire d’arrêts complets. Cette méthode conçue pour chasser les imprévus se développe aussi beaucoup dans l’industrie manufacturière afin de réduire l’immobilisation des lignes de production. C’est en plus un moyen de prolonger autant que possible la durée de vie de certaines pièces d’usure et de réaliser des économies. Un bénéfice que les fabricants d’ascenseurs mettent peu en exergue.

D’un ascensoriste à l’autre, le schéma technique est assez semblable et repose en premier lieu sur une série de capteurs mesurant des grandeurs physiques, comme l’accélération, la vitesse, la température, le temps d’ouverture et de fermeture des portes ou encore l’humidité. Source significative de pannes étant donné leur exposition, les portes de la cabine sont particulièrement surveillées. Otis scrute même leur fonctionnement à l’aide d’une caméra, « qui donne des renseignements supplémentaires aux techniciens » selon Olivier Durand-Viel, directeur marketing d’Otis France. Le boîtier-contrôleur relié aux capteurs consolide les données, avant de les transmettre dans le cloud où elles subissent l’examen approfondi d’une intelligence artificielle. De façon classique, cette IA est construite à partir de milliers de données expérimentales, d’où elle extrait un modèle de fonctionnement normal…


La suite de cet article est réservée à nos abonnés. Il est à lire dans SIM N°52 à paraître mi-mai 2022.

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