Villa M, la domotique se met au vert

Villa M est un véritable îlot de fraîcheur dans la jungle urbaine du 15e arrondissement de Paris. La végétation est intégrée dans la structure métallique en treillis de la façade dans laquelle est dissimulé le système d'arrosage par récupération d'eau de pluie. Photo DR

L’assureur Groupe Pasteur Mutualité, dédié aux personnels soignants, est à l’origine d’un complexe hôtelier, lieu de travail et centre de santé qui est présenté comme la « villa Médicis du bien-être », un lieu holistique ouvert à tous.

Inauguré il y a un peu plus d’an, le bâtiment verdoyant Villa M s’élève à quelques encablures de la station de métro parisienne qui porte le nom du célèbre inventeur du vaccin contre la rage. C’est le bien nommé Groupe Pasteur Mutualité (78 mutuelles locales, 138 000 adhérents, 180 000 personnes protégées, 400 collaborateurs), lui-même situé près de l’Institut fondé par l’illustre savant, qui est à l’initiative de ce programme conçu à la fois pour sécuriser son assise financière mais surtout pour développer un projet original centré évidemment sur le monde de la santé mais aussi ouvert à la clientèle habituelle des hôtels. Le concept, qui se définit comme inédit, a été imaginé par Amanda Lehmann et Thierry Lorente, tous deux directeurs généraux de l’assureur mutualiste. Ils ont pour cela réuni une équipe de choc pour concrétiser leur idée : le créateur Philippe Starck, bombardé directeur artistique du lieu, et les architectes Olivier Raffaëlli et Guillaume Sibaud du cabinet franco-brésilien Triptyque Architecture.

Prévention et parcours santé

Avant d’entrer dans les détails techniques, attardons-nous sur les principes fondateurs. Villa M est présentée comme un lieu de vie, de pratiques médicales et paramédicales, de soins, de prévention, d’innovations, de formation, de travail. C’est donc accessoirement un hôtel bien que cette fonction occupe la plus grande partie du bâtiment. Mais ce qui est mis en avant, ce sont les programmes d’accompagnement dédiés aux soignants, centrés sur des approches préventives et curatives, auxquelles est consacré le deuxième étage de l’immeuble.

L’espace d’accueil, comme le restaurant et les chambres sont imprégnés de l’esthétique propre à Philippe Starck. Photo DR

A ce niveau, on trouve un grand centre de consultations qui propose aux professionnels de santé de se déconnecter, d’évaluer leur situation et de suivre un parcours personnalisé pour se réapproprier des habitudes de vie plus saines et plus équilibrées. Un autre dispositif, inspiré du Programme d’Aide Aux Médecins du Québec (PAMQ) s’adresse plus spécifiquement aux médecins en souffrance. L’espace santé est également ouvert à la population du quartier, est-il précisé.

Sport pour tous

L’accompagnement se compose de prises en charges médicales, si nécessaire, mais aussi non médicales avec des ateliers, des initiations à des pratiques sportives, à la cuisine et l’art-thérapie, à la méditation, etc. activités qui s’appuient aussi sur d’autres étages du bâtiment. L’espace santé est dit connecté mais Villa M reste malheureusement discret sur le sujet. Situé au niveau 3, le club de sport, accessible à tous les clients, soignants ou non, s’inscrit logiquement dans la continuité de la démarche de prise en charge santé. Il aligne équipements de renforcement musculaire et machines de cardio-training high tech permettant de suivre des programmes d’entraînement prescrits et adaptés à tous les objectifs.

Ce plateau est complété par des espaces dédiés aux cours de yoga, de préparation physique, et accueille aussi un ring de boxe, activité que les promoteurs de Villa M conçoivent comme un levier de développement personnel et professionnel. Nous sommes donc ici dans un bâtiment associant de façon inhabituelle plusieurs fonctions, et sur lequel il est nécessaire de prendre physiquement du recul pour avoir une vue globale sur sa structure mais aussi sur son aspect extérieur.

Des activités à tous les niveaux

Villa M est un immeuble de 8000 M2 construit en R+ 7 avec 3 niveaux de sous-sols dont 2 parkings. Cette construction a pris la place de 3 bâtiments propriétés de Groupe Pasteur Mutualité : un centre d’affaires, ex-siège du groupe ; deux hôtels 3 et 2 étoiles, le Meditel et le Camélia, et un restaurant, La Salle à Manger, situés respectivement au 30, 28, 26 et 24 boulevard Pasteur.

Villa M est irriguée par un puissant réseau en fibre optique. Photo DR

Villa M est définie comme un  « concept-lieu » multifonctionnel qui se compose, comme nous l’avons précédemment écrit, d’une maison de santé connectée, intégrant les dernières technologies (au 3éme), d’un centre de check-up médical, équipé lui aussi des technologies les plus innovantes (au 2éme), d’un showroom d’innovations, d’un laboratoire démonstrateur d’e-santé, d’une galerie art et santé axée sur le design et les créations numériques (au premier), d’un kiosque de services informant sur les problématiques d’installation en libéral ou le montage d’un projet de maison de santé. S’ajoutent, un centre d’affaires avec espaces de co-working et de créativité, des salles de réunions et de conférences équipées en audiovisuel et visiocommunication (1er sous-sol), proposées à la location, quatre étages d’hébergement avec chambres et suites au standard 4 étoiles (niveaux 4 à 7) et enfin un restaurant et des bars au rez-de-chaussée.

Structure légère

Le bâtiment qui répond aux standards du moment vient d’être récompensé par Archdaily du label « Building of the year 2022 » comme meilleure architecture parmi une quinzaine de finalistes. Il se compose de noyaux en béton et d’une « structure minimale, aérée et légère qui fonctionne comme un treillis métallique géant « faisant écho à l’architecture parisienne du 19ème siècle » expliquent les architectes. Les poutres d’acier, apparentes à l’extérieur, forment comme un exosquelette qui donne au bâtiment son aspect minimaliste. Le verre est aussi très présent en façade ce qui amplifie l’effet de légèreté lorsqu’il est apparent.

Le procédé constructif semble avoir eu recours à des éléments préfabriqués tant la trame est répétitive et évoque le jeu de construction. La façade de 40 mètres de long donnant sur le boulevard Pasteur est donc une structure porteuse avec un maximum d’ouvertures vitrées, donc de lumière puisqu’il n’y a pas de poteaux, alors qu’à l’arrière le bâtiment a une structure en béton plus classique. Mais ce qui marque l’observateur, c’est l’imposante végétation qui orne la façade de Villa M côté boulevard Pasteur ainsi que la terrasse sommitale. C’est l’équipe de paysagistes, urbanistes, botanistes et jardiniers de l’entreprise Coloco qui a travaillé sur la végétalisation de l’immeuble et son intégration dans le paysage parisien.

Du vert à tous les étages

Ce véritable jardin vertical vivant donne à l’immeuble une esthétique très particulière qui prolifère tout doucement dans Paris et pourrait devenir la norme, sinon une obligation, dans les temps futurs si l’on veut réduire les îlots de chaleur urbaine. Cette couverture végétale n’est pas seulement belle puisqu’elle contribue aussi à la durabilité et à la biodiversité du bâti, agit sur son confort thermique et, par conséquent, sur son efficacité énergétique, sans parler de l’absorption du CO2 que produit toujours trop abondamment le chauffage et la circulation.

Villa M vue en coupe.

Le parti pris de Coloco a été d’opter pour une approche « low tech » en tournant le dos à l’artificiel et au coûteux. Les poutres métalliques extérieures jouent le rôle de bacs à fleurs et ont reçu des arbustes y compris des fruitiers, des plantes médicinales, des vivaces et des herbacées, d’autres plantes autochtones sélectionnées par le paysagiste Pablo Georgieff de Coloco. En complément des câbles s’élèvent vers le haut de l’ouvrage pour guider les végétaux grimpants qui sortent des fosses en pleine terre du rez-de-chaussée. Cette inspiration « amazonienne » doit aussi beaucoup à l’agence Triptyque et à ses doubles racines française et brésilienne. La technologie n’est cependant pas absente de ce jardin suspendu puisque les poutres de façade intègrent non seulement des descentes pluviales, mais aussi un arrosage au goutte-à-goutte alimenté par récupération des précipitations, ainsi que le drainage des bacs. La gestion de l’arrosage est à la main de Coloco qui l’adapte aux conditions météorologiques mais nous n’avons pu savoir si une station météo locale ou des capteurs d’hygrométrie étaient dans la boucle pour aider à la décision ou automatiser le processus.

Chambres et suites

La partie hôtelière de Villa M comprend, réparties sur 4 étages, 67 chambres et 6 suites, chacune portant le prénom d’une femme ou d’un homme ayant marqué l’histoire de la médecine ou des sciences. Certaines disposent d’un balcon ou d’une terrasse, fenêtres et portes coulissantes étant entourée d’un écrin végétal et offrant, pour certaines, une vue imprenable. Au dernier niveau, la Suite Pasteur est dotée de larges baies vitrées, d’une double terrasse verdoyante et d’un salon ouvert sur la capitale, avec, dans le panorama, la Tour Eiffel, le Dôme des Invalides, la Tour Montparnasse et les toits parisiens.

Dans ces espaces décorés par Philippe Starck, on trouve « des matières nobles et durables, des couleurs organiques et des produits éco-responsables ». La domotique Crestron, déployée par l’intégrateur parisien Henri, opère le contrôle des éclairages, de la climatisation et du chauffage à partir de commandes murales à boutons (relayées par modules C2N-UNI810) et d’une tablette murale tactile de 5 pouces TSW-570P affichant 4 scénarios d’éclairage, un variateur thermostatique et des touches d’appel ou de notification. Les rideaux, motorisés par Somfy, ne sont pas intégrés dans l’interface pour des raisons non expliquées, il faut donc utiliser une télécommande dédiée qui se perd facilement. Un automate DIN-AP3 Crestron est installé en placard technique à chaque étage de même que deux modules de gestion d’éclairage DIN-Dali-2 et leurs relais DIN-8SW8-1.

La prestigieuse Suite Pasteur avec sa terrasse et sa vue sur la Tour Eiffel. On aperçoit sur le mur le discret écran tactile Crestron qui permet de commander les scénarios d’éclairage, la température du lieu et d’envoyer des consignes au personnel. Photo DR

Des interfaces font le lien avec le GRMS (Guest Room Management System) pour remonter les signaux Make My Room et Do Not Disturb émis par l’interface tactile de chambre, et avec le PMS pour le check-in et le check-out. Le service d’information client qui s’affiche sur les téléviseurs LG des chambres a été développé par Eona qui propose une riche offre TV.

Salles de réunion et de conférence

Le premier sous-sol est dédié au travail avec des espaces de coworking équipés de bureaux-alcôves assurant intimité et confidentialité. La salle de conférence de 76 fauteuils est équipée notamment d’un projecteur Barco F80-4K7, d’écran de rappel Sony 43 », de caméras PPZ Panasonic, de microphones Sennheiser, de haut-parleurs encastrés Bose. Tous ces moyens sont connectés à une baie située dans la régie aveugle où se trouve également le mélangeur vidéo, le pupitre de pilotage des caméras, les écrans de contrôle. L’automate gérant les ambiances est un Crestron CP3 associé à son écran tactile d’interface, doublé par un iPad Apple. Les 4 salles de réunion dimensionnées pour une douzaine de personnes, sont équipées d’écrans de grande taille Samsung ou Sony associés à des caméras PTZ de visiocommunication AVer, de systèmes de partage Clickshare Barco, de mini-baies où sont concentrées des matrices Crestron DMPS3 et leur interface de commande, les voies des micros sans fil Sennheiser. L’ensemble de ces installations a été réalisé par l’intégrateur Alliance Project.

Pour interconnecter tous les locaux et distribuer l’Internet haut débit dans les zones de travail et de réunion, les chambres et l’ère de réception et de restauration, Villa M est innervée par un réseau en fibre optique centralisée dans un nodal en sous-sol et dont toutes les liaisons en topologie étoilée se terminent par des boîtiers de conversion. Une solution performante mais qui semble poser des soucis d’administration réseau puisqu’il n’y a pas de niveau intermédiaire comme dans de classique réseau Ethernet. Villa M est une réalisation très spectaculaire par les nombreuses fonctionnalités réunies sous son toit et dont certaines sont assez critiques puisque relevant du secret médical. Une charge passionnante mais très exigeante pour Steeve Ndoumbe, responsable technique et sécurité, et son équipe de trois techniciens.