Yannick Antoine, directeur de la production chez Axione

Au sein du Groupe Bouygues Energies & Services, Axione est un acteur global d’infrastructures télécoms. L’entreprise, qui maîtrise l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur, intervient notamment sur le marché de la couverture mobile haut débit à l’intérieur des bâtiments. Yannick Antoine, directeur à la direction de la productiond’Axione, nous éclaire sur les tenants et les aboutissants d’un marché en pleine expansion.

SIM : Qu’est précisément la couverture mobile intérieure des bâtiments ?

Yannick Antoine : Ce que nous appelons la Couverture Indoor est notre réponse aux problématiques liées à des difficultés d’accès ou à l’absence de réseaux de téléphonie mobile. Nous  déployons à l’intérieur d’un bâtiment toutes les technologies disponibles permettant aux occupants, aux utilisateurs, aux clients… de disposer de services radio, notamment la 2G, 3G, 4G et bientôt 5G des opérateurs mobiles. Nous savons apporter une connectivité numérique optimale quels qu’en soient la nature (voix ou données), la technologie et l’opérateur.

Voix et données utilisent-elles le même réseau, les mêmes fréquences ?

Pas tout à fait, même si, de plus en plus, les deux mondes se rapprochent. Il est possible, par exemple, de véhiculer de la voix sur la 4G, c’est ce que l’on appelle la VoLTE*. Ce qui n’était pas le cas précédemment. Globalement sur les dernières fréquences et la technologie disponible chez les opérateurs, la 3G permettait de passer des appels voix et la 4G permettait de faire de la data. Nous avions donc bien dissociation entre les deux canaux de communication. Désormais, les opérateurs utilisent des technologies qui permettent de transmettre de la voix sur de la 4G. Il vous suffit de regarder votre mobile qui indique si vous êtes en 2G, 3G, 4G, Edge… quand vous utilisez de la data. Très souvent vous êtes en 4G si vous vous trouvez dans une zone couverte.

Absence totale ou couvertures insuffisantes sont-elles des problématiques différentes ?

Globalement deux cas de figure se présentent : soit la couverture est insuffisante, soit des problématiques liées à la techno entre la voix et la data, comme nous l’avons évoqué. On peut très bien disposer d’une bonne couverture en voix et par contre d’une couverture catastrophique en data voire l’absence totale de couverture. Tout cela fait l’objet d’une analyse. Mais, in fine, notre réponse reste la même que le signal soit insuffisant ou bien inexistant : nous apportons l’accès au service. Notre approche sera de tenir compte du réseau extérieur, de concert avec les opérateurs, puisque ce sont eux qui installent leurs équipements. En France, nous ne pouvons pas nous substituer aux opérateurs car nous ne disposons pas de licence d’émission sur ces fréquences. Concrètement, à l’intérieur du bâtiment, nous déployons nos solutions à partir de baies « opérateurs ».

Justement, quel(s) opérateur(s) choisissez-vous ?

Si nous prenons le cas d’un utilisateur de bâtiment titulaire d’un forfait flotte avec un opérateur et disposant d’une équipe technique, la solution se trouvera en liaison avec cet opérateur. Si en revanche nous nous trouvons dans le cas d’un bâtiment qui reçoit une population assez variée et qui n’a pas d’opérateur défini, nous sommes capables de répéter tous les signaux d’opérateurs. Dans cette dernière configuration, nous travaillons de concert avec tous les opérateurs pour commander des baies capables de réémettre leur signal à l’intérieur du bâtiment, tout en garantissant la neutralité des infrastructures de Couverture Indoor que nous proposons : cela permet à nos clients de rester autonomes dans leur choix de flotte mobile.

Qui sont vos clients ?

Nous prospectons surtout les propriétaires ou occupants de très grands bâtiments, notamment les maîtres d’ouvrage et les grandes foncières qui disposent de ce type de constructions et qui souhaitent offrir un service aux occupants. Pour les petites couvertures, c’est plus compliqué. Il faut, en effet, disposer de la capacité financière pour s’offrir une Couverture Indoor et il faut vraiment en avoir l’utilité. Pour quelques téléphones portables, un tel investissement est disproportionné. En revanche, on peut très bien imaginer dans certains cas, des hôtels de luxe, par exemple, qui souhaitent offrir à une clientèle exigeante en termes de continuité de services radioélectriques, un service de qualité pour assurer des communications à l’intérieur de l’établissement. Des propriétaires ou des usagers de locaux, qui souhaitent disposer de bâtiments connectés capables de retransmettre les signaux des opérateurs sont donc des cibles pour nous.

En fonction de la nature des matériaux utilisés pour sa construction, un bâtiment est-il plus ou moins hermétique aux ondes radio ?

En effet, mais le phénomène est plus complexe. Les opérateurs ont des besoins de fréquences de plus en plus importants.  Il y a quelques années nous n’avions que la 2G, aujourd’hui nous disposons de la 2G, 3G et 4G et en même temps, de plus en plus d’opérateurs [quatre en France] se répartissent une bande de fréquences pour un nombre de besoins croissants. Pour pallier cette difficulté, l’Etat propose de nouvelles fréquences de plus en plus élevées, notamment la bande des 700 MHz. Par ailleurs, les règlementations en termes de constructions mettent en œuvre des savoir-faire et des matériaux qui ont, entre autres propriétés, celle de bloquer les ondes [double peau, vitrage isolant réfléchissant les ultra-violets…]. La combinaison de règles environnementales strictes et de fréquences de plus en plus élevées rend les bâtiments hermétiques aux ondes et les transforme en déserts numériques.

Est-il possible de mutualiser le réseau mobile avec d’autres types de réseaux ? Cela peut être un argument commercial ?

En France, il y a obligation de couvrir les ERP ou les immeubles de grande hauteur en signaux INPT (Infrastructure Nationale Partageable des Transmissions) utilisés pour les communications radio, de la police, des pompiers et de la gendarmerie. Dès lors que l’on a mis en place ce service obligatoire, une partie du réseau peut être réutilisé judicieusement pour proposer une couverture numérique sur des fréquences de téléphonie mobile. Il est ainsi possible d’offrir du service aux occupants en ajoutant une couche sur le réseau INPT obligatoire. En quelque sorte, on transforme cette obligation en opportunité pour le propriétaire. Dans ce cas, nous pouvons bien entendu approcher des clients en faisant valoir tout l’intérêt qu’ils ont d’utiliser l’obligation légale en opportunité. On propose donc un réseau mutualisé sur la base de fréquences qui n’ont rien à voir avec la téléphonie mobile [signaux INPT et radio privés (talkie-walkie des agents de sécurité ou des pompiers privés)] dans des usines, des centres commerciaux, des stades, etc… En utilisant ce réseau et en le couplant à un second, au lieu d’en « tirer » deux, on n’en fera qu’un seul.

Discrète, l’antenne Indoor permet la diffusion des signaux radio. Photo : DR

Comment envisagez-vous l’évolution de ce marché ?

D’une à deux demandes par an, nous sommes passés à plusieurs demandes hebdomadaires. On constate qu’il y a une explosion en France de demandes de connectivités pour accéder à internet et aux services sur le Web. Le Smartphone est devenu un outil du quotidien. Le fait de ne pas avoir de couverture prive les utilisateurs de tout un tas de services et les coupe d’une façon de vivre le numérique. C’est une situation d’autant plus dommageable que les besoins sont de plus en plus nombreux et ce n’est qu’un début ! A terme, de multiples possibilités sont envisagées comme la géolocalisation à l’intérieur du bâtiment ou la demande d’autorisation d’accès via des puces NFC présentes dans les smartphones Demain, le smartphone permettra de commander et d’interagir avec son environnement et notamment avec le bâtiment quel qu’il soit.

Est-il toujours techniquement possible de créer une Couverture Indoor ? Existe-t-il des contraintes ?

Techniquement il n’y a pas d’obstacle à la réalisation d’un réseau indoor : il existe toujours une solution. La seule vraie contrainte rencontrée concerne le respect du niveau de rayonnement radio-électromagnétique, qui est défini par décret au niveau européen. Notre façon de procéder consiste à étudier puis réaliser une ingénierie de couverture radio de l’intérieur du bâtiment, parfois même avant qu’il ne soit construit. Cela nous permet de garantir à la fois la qualité de couverture et le niveau de rayonnement.

Mais, pratiquement, comment ?

En termes d’ingénierie, on réalise un schéma qui permet de définir la réponse que l’on peut apporter, selon le nombre d’occupants, le besoin en termes de volume de données et la surface du bâtiment. Par exemple, on peut très bien imaginer une small cell (point d’accès de faible capacité à un réseau de télécommunications mobiles), qui ressemble à une box domestique, dès lors que le réseau n’a à supporter que de 4 à 5 communications simultanées maximum. Au-delà, nous utiliserons un équipement plus conséquent et, s’il s’agit d’un stade où l’on a beaucoup de communications et beaucoup de données, on utilisera des baies « macro », donc des baies opérateurs de grande taille et capacité. Par contre, ce que l’on fait toujours, quel que soit le volume et la surface du bâtiment, c’est de proposer une infrastructure passive ou active constituée d’antennes positionnées judicieusement et connectées via des câbles coaxiaux ou RJ45 : elles diffuseront le signal de façon homogène dans tout le bâtiment en respectant le niveau de rayonnement.

L’esthétisme des réalisations n’est-il pas une autre contrainte pour vous ?

Nous travaillons avec des bureaux d’études et des cabinets d’architectes car en effet, l’architecture et le design sont importants :  les constructeurs investissent énormément dans l’aspect esthétique. Notre approche est donc de dire que nous sommes à même de leur apporter un plus dans ce domaine. Axione a réalisé, en France, le siège mondial d’un géant pharmaceutique où nous avions une contrainte architecturale forte. Il fallait que l’on s’insère parfaitement dans le bâtiment et que nous ne soyons pas visibles. Nous avons donc trouvé des solutions qui ont permis de rendre discrètes des antennes généralement voyantes et disgracieuses. En fonction du lieu, par exemple un parking, l’intégration d’une antenne dans son environnement peut être nettement plus simple. En revanche, dans le cas d’un plateau de bureau avec un show-room, on essaiera de la cacher au maximum.

*VoLTE est l’acronyme de Voice over LTE (voix sur LTE), c’est-à-dire de la voix sur les bandes LTE.

Propos recueillis par Patrice de Goy

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