Interview d’Anne-Sophie Perrissin-Fabert, Déléguée Générale d’IGNES

Anne-Sophie Perrissin-Fabert est Déléguée Générale d’IGNES, Secrétaire Générale de l’Association PEP Ecopassport et administratrice à la Smart Buildings Alliance. Photo Amelie Marzouk

L’organisation qui regroupe des industriels spécialisés dans les solutions électriques et numériques du bâtiment réaffirme, par la voix de sa déléguée générale, ses priorités stratégiques pour 2025 sur lesquelles s’appuient des propositions d’actions à destination des candidats à la présidentielle.

SIM : Pouvez-vous nous rappeler quel est le rôle d’IGNES* et quels sont ses domaines de compétences ?

A-S P-F : L’IGNES rassemble une quarantaine d’entreprises qui développent et fabriquent des solutions électriques et numériques pour mettre les bâtiments au service de leurs occupants, en rendant accessibles énergies et données de façon sécurisée et performante, par la gestion assistée des équipements, l’information et la protection des usagers, et avec l’objectif de répondre aux défis climatiques et sociétaux du moment. Concrètement, nos domaines d’intervention sont l’infrastructure électrique, le pilotage des équipements, les réseaux de communication, la sécurisation des accès ainsi que l’évacuation et la mise à l’abri des personnes.

Bien que spécifiques, ces 5 secteurs d’activité ont tendance à converger sous l’influence grandissante et accélérée de la digitalisation. Mon équipe et moi-même avons donc pour mission d’accompagner les transitions numérique, cyber-sécuritaire et environnementale tout en créant un environnement de marché favorable par l’élaboration d’une vision globale, en agissant aussi sur la réglementation, la normalisation, la promotion de la qualité et la formulation des messages communs à nos branches d’activité.

SIM : Quels sont les grands axes stratégiques sur lesquels s’appuient ces modalités d’action ?

A-S P-F : Qu’il soit résidentiel ou tertiaire au sens large, le bâtiment joue un rôle primordial dans la vie de chacun mais également dans toutes les activités qui régissent notre société. Aussi avons-nous défini 5 axes stratégiques qui guident toutes les actions de l’IGNES.

L’électricité étant vitale pour donner vie au bâtiment, il convient d’abord d’en assurer la continuité de service et la sécurité des usages. Or, 85% des installations ont plus de 15 ans d’âge et présentent des anomalies. Il faut donc accompagner leur renouvellement, leur modernisation et leur sécurisation en proposant des solutions performantes et durables, tant au niveau du tableau et des appareillages de coupure et de protection que de l’appareillage de commande et de branchement en ambiance ou encore du cheminement de câbles.

Cela introduit le second point qui est la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments par le pilotage pour mieux maîtriser et optimiser les consommations énergétiques, tout en prenant en compte la nécessaire flexibilité d’un réseau énergétique décarboné (autoproduction / consommation, intermittence / effacement). Ces deux premiers points induisent directement le troisième axe stratégique qui est l’assurance d’un accès haut débit pour tous, indispensable pour de nombreuses activités domestiques y compris le télétravail.


« Nous accompagnons les transitions numérique, cyber-sécuritaire et environnementale. »

Photo Amelie Marzouk


Préoccupation de tous, la sérénité est notre quatrième point d’intérêt stratégique qui embrasse le contrôle et la gestion des accès aux bâtiments et doit prendre en compte de nouveaux besoins (droits temporaires non renouvelables), ainsi que la protection contre les menaces de toutes sortes. Enfin, en cinquième point, le vieillissement de la population nous impose d’accompagner la mise en place de dispositifs d’aide au maintien à domicile, démarche qui repose aussi sur des solutions domotiques, numériques, sécuritaires évoquées plus haut. Ce besoin d’adapter le domicile aux évolutions sociétales doit aussi être élargi aux évolutions du bâtiment tertiaire vers d’autres usages que le bureau. Comme vous le voyez, la palette de nos centres d’intérêts est très large et complémentaire.

SIM : La période qui s’annonce n’est-elle pas propice pour formuler des propositions qui pourraient opportunément s’insérer dans des programmes politiques ?

A-S P-F : Effectivement, nous croyons qu’il est nécessaire d’avancer des propositions dans la perspective des présidentielles pour faire bouger les choses dans au moins quatre domaines. Nous pensons qu’il faut activement contribuer à relever le défi climatique en gérant mieux l’énergie du bâtiment, en anticipant les besoins de confort d’été lié à l’intensification des canicules, et en proposant à chaque Français les moyens de bien maîtriser ses consommations d’énergies. Le sentiment d’insécurité est très présent et il est nécessaire de renforcer les moyens de vivre en toute quiétude chez soi mais aussi sur les lieux de travail. L’augmentation de la population des séniors implique de favoriser d’abord le maintien à domicile puis, si nécessaire, l’accueil en EHPAD selon des standards de qualité en termes de connectivité notamment similaires à l’hôtellerie.

Enfin, tout ceci n’est réalisable qu’avec la généralisation du haut débit numérique grâce à des infrastructures et des raccordements optiques fiables et protégés. Nous pensons que ces propositions sont non seulement raisonnables mais indispensables au développement de services utiles à tous puisqu’ils répondent aux besoins exprimés par une majorité des Français. Nous les accompagnons d’une liste de mesures très concrètes et ciblées qui sont détaillées dans un document transmis aux candidats.

SIM : Le manque d’interopérabilité freine encore le développement de bâtiment intelligent. Il y a quelques années, plusieurs industriels membres d’IGNES, avaient initié la convergence de leurs protocoles propriétaires vers un méta-langage porté par le consortium Confluens. Quelle est la position d’IGNES sur ce sujet fondamental ?

A-S P-F : Confluens a été un projet précurseur de la situation actuelle : l’interopérabilité effective entre les équipements de différents fabricants. Le sujet étant désormais aussi porté par d’autres instances, la structure a été dissoute fin 2020. On notera notamment l’engagement de nombre de nos adhérents dans la Connectivity Standard Alliance qui porte l’initiative Matter dans laquelle les GAFAM sont également au tour de table.

Propos recueillis par Philippe Pelaprat

*IGNES = Industries du Génie Numérique Energétique et Sécuritaire